Prologue - Parfums diurnes

Sujet: Prologue - Parfums diurnes Lun 05 Mar 2012, 1:11 am

Légère odeur de pin et thym.
Elle entrouvrit un œil, le referma puis ouvrit ses deux yeux, fixant le plafond. Il était exclu que ses sens la trompent et ce d’autant plus cette année. Les effluvent finirent par se répandre franchement et firent sortir la Lady, qui alla humer l’air extérieur. Ces fragrances fraîches et tonifiantes, c’était l’arrivée d’un printemps tant attendu. Elle emplit largement ses poumons, tout en posant les yeux sur le sol, et eut la mauvaise surprise de voir encore du gel sur les végétaux environnants. Visiblement, l’hiver comptait s’attarder encore un peu, au mépris des envies de la résidente des lieux. Bon d’accord, cela ne faisait même pas une année qu’elle vivait ici, six mois tout au plus, juste avant l’arrivée des premières gelées.
Et même s’il n’y avait pas beaucoup de pain aux sésame et de thé par ici, il fallait reconnaître que l’endroit avait des charmes des plus attrayants. La frilosité de la Lady et sa tendance à multiplier les couches de couettes avaient poussé ses anciens amis à la comparer à une marmotte, délicieuse bestiole qui hiberne pendant la saison froide. Cela avait été drôle pendant quelques jours mais au bout de quelques mois, la jeune femme avait fini par adopter le mode de vie de son homologue, agacée par les moqueries. Elle était donc partie sous les quolibets des gens, certains qu’elle reviendrait. Mais c’était sans compter son talent d’improvisation inné. A partir de duvet, de plumes, d’herbe et autres produits naturels, dépourvus d’OGM, certifiés bio et sans engrais chimiques, la Lady s’était bâti un gigantesque palais sur le flanc du mont Fujiyama.
Lorsque ses anciens compagnons lui avaient rendu visite, ils n’avaient trouvé qu’une porte close. La Lady Marmotte s’était déjà enfermée dans son palais constitué d’immenses couettes aux looks divers et variés.

Elle fit un pas dehors et inspecta la muraille du palais.
Flûte, les oiseaux ont encore troué ma couette avec des motifs de cerise. Il va falloir que je la recouse.
Avisant un petit panier non loin de l’entrée de son repaire, la Lady s’approcha et le ramassa, continuant à faire le tour. La forteresse avait plutôt bien tenu, il s’agirait, lors de la vraie venue du printemps, de faire un peu de repassage, histoire de redonner leur lustre aux couettes. Point positif, la couette façon cotte de maille qu’elle avait confectionnée pour empêcher les intrus d’entrer n’avait pas du tout rouillé. Un grand frisson la parcourut.
La Lady Marmotte croqua une noix de cajou, grillée à sa grande satisfaction, et s’en retourna à grands pas se nicher dans ses couettes adorées. Il faudra aussi que je pense à sculpter une figurine de marmotte en couette, afin que les moines aient une statuette à idolâtrer et à exposer dans leur cloître. Oh la flemme, d’abord dodo.