nuit de mystères [RP avec CaNadre]

Cyan senti sa présence avant même de l'entendre, il savait que c'était elle .... elle revenait .... Il se tourna dans la direction du chemin et l'apperçue .... mais plus elle s'approchait et plus le doute s'intallait. Lorsqu'elle sorti du sous-bois son étonnement fut total. Devant lui se tenait CaNadre. Comment ai-je pu les confondre ? Il ne pu empecher son regard de la détailler ... Les mêmes longs cheveux, ce même regard qui me transperce ... et cette sensation familière à son approche, comme si je la connaissais depuis toujours ... Leurs regards se croisèrent puis elle le salua et parti s'assoir au pied de l'orme centenaire.

Sa voix feutrée raisonna pourtant dans le silence de la nuit lorsqu'elle le salua.

- Qu'est ce qui vient ainsi troubler ta nuit ? lui demanda-t-elle ...

Il se pencha pour ramasser le livre et prit la rose dans sa main. Il respira profondément l'air pur du sous-bois et se retourna vers elle. Puis-je lui faire confiance ? Cyan n'avait pas l'habitude d'ouvrir son coeur et son âme aux autres. Il la regarda de nouveau ... Elle lui souriait ....

- T'est-il déjà arrivé de croiser quelqu'un et d'être persuadée que tu connais cette personne ? Ton passé vient-il te hanter parfois, au point de te faire pied avec la réalité ?

Il vient s'installer près d'elle au pied de l'arbre. Cyan pris sa tête entre ses mains, l'air désespéré. Il ne savait plus où il en était. Toutes ses images du passé qui viennent se superposer à ma vie actuelle, cette femme de mon passé qui me hante ... CaNadre .... avec qui je me sent proche ... comme si un lien était tissé entre nous, entre nos destinées ...

CaNadre tardait à répondre ... Finalement il n'aurait peut être pas du essayer de lui faire partager ses doutes, ses appréhensions .... Cyan allait se lever pour partir lorsque .....

Elle garda le silence un long moment pour peser sa réponse. Le jeune homme semblait troublé, et elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi.

- T'est-il déjà arrivé de croiser quelqu'un et d'être persuadée que tu connais cette personne ? Ton passé vient-il te hanter parfois, au point de te faire pied avec la réalité ?

Etrange question. Son regard se fit lointain. Oui, oui mon passé est revenu me hanter. Trop souvent d'ailleurs. Comment lui expliquer qu'Elle reste constamment près de moi, que chaque lieu que je traverse est bercé par Son souvenir, qu'Elle nourrit mes cauchemars... Comment lui expliquer qu'Il nous manque à tous, que plus rien n'est pareil depuis son départ... L'écho de leurs voix résonnent encore dans les couloirs, leurs silhouettes se dessinent toujours à la lueur des flambeaux... Quand je me retourne, j'ai l'impression que mes yeux vont croiser les leurs...

Elle tourna son visage vers son compagnon.

- Je ne sais pas si le phénomène de "déjà vu" est réel ou si ce n'est que le fruit de notre imagination. J'aime à penser qu'il existe des faits irrationnels, des choses que personne ne peut expliquer, pour laisser un peu de magie dans ce monde. Croiser quelqu'un et avoir l'impression de la connaître déjà, je ne crois pas l'avoir ressenti. Tu sais, j'ai croisé bien des gens au cours de ma brève existence : j'étais ce qu'on appelait un troubadour à une époque, et j'ai pu côtoyer tous les aspects de l'humanité. J'ai cent fois cru en avoir fait le tour, mais cette pensée a toujours été déjouée, et ma non-vie l'a confirmé par la suite.

Elle s'arrêta brièvement, plongée dans ses souvenirs. Puis un sourire contrit se dessina sur ses lèvres.

- Pardonne-moi, je m'égare. Croiser quelqu'un et avoir l'impression de le connaître, je ne pense pas l'avoir déjà vécu. En revanche, croiser quelqu'un et éprouver quelque chose à sa vue, je l'ai souvent ressenti. Une intuition selon laquelle je devais rencontrer cette personne, je devais prendre contact avec elle, je ne sais pas vraiment comment te l'expliquer...

Comme toi, Cyan, et comme Lui. Deux hommes auprès desquels mon instinct s'est emballé. Deux hommes qui ont ou pourraient changer le cours de ma vie. Deux hommes que je ne comprends pas parfaitement, mais que j'ai appris à apprécier, chacun à leur façon...

- Et oui, mon passé vient constamment me hanter. Tu te tiens là, devant moi, toi qui as perdu la vie sur cette terre sur laquelle j'ai vécu et que j'ai parcourue ma vie durant. J'ai retrouvé ici-même celle qui m'a ôté l'existence, et qui était venu chercher refuge derrière ces murs avant de les quitter pour suivre sa propre voie, droit vers l'ouest. Son souvenir vit toujours en moi, je sens toujours ses crocs sur ma gorge et son parfum dans mes cheveux...

Sa voix s'étrangla, et elle baissa la tête pour dissimuler les larmes qui perlaient à ses paupières. Elle resta un long moment silencieuse, le temps de reprendre le contrôle d'elle-même.

- Je ne te connais pas depuis longtemps, Cyan - quoique...- et je ne comprends pas le chagrin qui te trouble. Je voudrais t'aider, mais je ne sais pas comment faire. Je voudrais que tu puisses trouver une personne amie à laquelle tu accorderais ta confiance, pour ne pas garder ce poids sur tes seules épaules...

Elle se tut, les derniers mots qu'elle souhaitait prononcer restaient suspendus à ses lèvres, sans qu'elle se résolve à les laisser échapper. Enfin elle releva la tête, regarda son ami droit dans les yeux et murmura d'une voix douce :

- Tu peux faire appel à moi, si tu as besoin...

Les derniers mots de CaNadre laissèrent Cyan perplexe. Même s'il avait l'impression de bien la connaitre, il ne s'attendait pas à ce qu'elle soit aussi proche de lui. après tout, elle était son chef.

Pourquoi autant de sollicitude pour un des tiens s'il n'y avait autre chose ?

Cyan était troublé et touché à la fois ... elle, d'ordinaire si réservée, s'était laissée aller à parler de son passé, d'elle même ... Ressent-ton tous la même chose ? se souvenir lointain d'une autre vie ... de celle qui nous a "mis au monde" une 2ème fois ... pourquoi ses larmes ? pourquoi ses doutes ?

Cyan se redressa et la regarda ... elle lui ressemble tant .... mais qui es ce Elle ?

Il se racla la gorge, tentative bien futile de reprendre contenance et lui dit :

- Je te remercie pour ton écoute, pour tes paroles ... et pour ta proposition ... Je ne suis normalement pas homme à me laisser dévorer par les sentiments, mais je ne sais ce qu'il m'arrive ... je suis perdu ....

Il n'osait plus relever la tête, de peur de croiser un regard méprisant devant une telle fragilité venant d'un guerrier ... Pourquoi ai-je autant peur de la décevoir ? Il secoua la tête, ne se reconnaissant plus. L'homme qu'il avait été n'est plus et il n'avait encore trouvé qui il était maintenant ... le passé, le présent, le futur ... tout se mélangeait et le perdait ...

- Comment fais-tu pour vivre avec tout ça ? Pour ne pas te laisser emporter par les vestiges du passé ? Plus le temps passe et plus je me sens sombrer dans des abymes si profondes que rien ne semble pouvoir me tirer de leurs bras tentaculaires ...

CaNadre restait silencieuse et Cyan n'arrivait pas a décrypter ce silence ... qua cachait-il ?
Sans qu'il s'en rende compte des larmes s'étaient mises à couler ... Il le leva, honteux et tourna le dos à CaNadre dont le silence rendait l'air lourd de sous entendus ....

Quand Cyan se leva brusquement, elle sut qu'elle aurait dû parler plus vite... Il avait sans aucun doute possible interprété son silence comme un blâme ou un rejet, alors qu'elle voulait seulement tenter de le consoler en choisissant avec soin ses mots et ses idées. Quelle maladroite ! A son tour elle se leva et s'approcha de Cyan qui lui tournait le dos ; elle ne pouvait pas voir les larmes qui coulaient le long de ses joues, mais elle se rendait compte à sa respiration hachée que son ami n'allait pas bien.

- Cyan, je t'en prie... - murmura-t-elle doucement en prenant le vampire par les épaules. Reviens près de moi.

D'un geste doux mais ferme, elle l'invita à s'asseoir à nouveau à ses côtés. La nuit battait son plein, et le ciel émaillé d'étoiles scintillantes resplendissait de mille feux. Elle posa sa tête sur l'épaule de Cyan toujours debout et leva les yeux vers le voile de satin bleu constellé de diamants brillants.

- Vois-tu ce dais qui s'étale au-dessus de nos têtes ? En apparence, il n'existe rien de plus immuable que lui. Les astres suivent leur course inlassable, et nous sommes certains de retrouver les mêmes perles le lendemain. Le ciel tourne d'une nuit à l'autre, les planètes dansent lentement, et tout baigne dans un calme apparent. Et pourtant, si nous pouvions les voir, nous demeurerions stupéfaits devant les cataclysmes qui se déroulent là haut et qui bouleversent l'univers chaque jour un peu plus.
Nous sommes comme ce ciel, Cyan : des événements bouleversants nous traversent par moment, nous arrachent à nous-mêmes, nous laissent parfois transformés ou vidés. Mais malgré cela, nous sommes toujours là, fidèles à ce que nous sommes au fond de nous. Le passé peut tenter de nous rattraper, de nous submerger, mais après tout, ce n'est que le passé, il est derrière nous ; nous l'avons vécu une fois, nous avons survécu à ses assauts, et il ne peut rien contre nous dorénavant, si du moins nous acceptons ce que nous sommes.

Elle se tut pour reprendre sa respiration. Parler ainsi d'une traite de ce sujet, alors qu'elle en souffrait également, était physiquement éprouvant pour elle ; un frisson courut rapidement le long de son dos, tandis qu'elle sentait ses jambes la porter avec peine. La peur et l'excitation de cette conversation la tenaillaient également. Après quelques minutes de silence, elle contourna Cyan pour se mettre devant lui, et tendit l'index pour essuyer ses larmes.

- Ce passé qui te tourmente, tu dois le laisser là où il est. Tu dois prendre soin de toi à présent, t'occuper de ce que tu es devenu. C'est toi, le Cyan que je connais, qui te tiens devant moi, qui comptes à présent, pas celui que tu as été à une époque. Le passé doit te rendre plus fort, par l'enseignement que tu peux en retirer tant que par les souvenirs que tu en gardes. Et si tu as peur de lui, pense à moi, pense à nous tous qui vivons à tes côtés : nous sommes le présent, nous sommes ta vie. Moi aussi, j'ai peur souvent, quand je songe à ce qui m'est arrivé ; mais je transforme cette peur en pitié, en haine même, pour aller de l'avant. Ni remord, ni regret ; ils ne font qu'entraver mon allure. Et à quoi bon se lamenter sur quelque chose dont je ne suis pas responsable et que je ne peux pas changer ?
Ne me crois pas cruelle ou insensible, mais... le passé est le passé, il n'a pas à contaminer ce que je vis maintenant.

Le regard compatissant de la jeune femme démentait la dureté de ses propos. Je ne suis pas sûre que cela l'aide vraiment, mais il m'a demandé mon avis, je ne peux que lui dire ce que je pense... J'espère qu'il ne va pas m'en vouloir...

Cyan laissa CaNadre terminer sa phrase avant de reculer en la fixant ... a la dureté de ses paroles il eu l'impression qu'elle lui faisait la leçon alors qu'il sentait bien que son passé venait la hanter bien plus qu'elle ne voulait le laisser paraître ... Est-ce cette femme dont elle a parlé et qui lui a pris la vie ? est-ce un homme ? Je la sens tellement troublée à l'évocation de son passé.

- Pourquoi me dire tout ça comme si tu avais réussi à passer au delà de ton passé alors que je sais bien qu'il te possède encore ? Crois-tu vraiment que je n'ai pas essayé de lui échapper, de lui tourner le dos ? Me crois-tu si faible que cela ?


Les dernières paroles de sa chef lui laissaient le gout amère de l'erreur dans la bouche. Il aurait du se douter qu'elle le jugerait. Il secoua la tête et se repris. Plus jamais toi ou les autres ne verraient mes larmes et mes faiblesses. Je n'aurais jamais du entrer dans un clan, je ne suis pas fait pour la vie en communauté. A chaque fois que j'ai essayé j'ai échoué.

Cyan croisa de nouveau le regard de CaNadre et ne lu pas dans son regard limpide autre chose que de la douceur. Comment une femme peut elle être aussi changeante ? Il voulait s'enfuir, partir en courrant vers le Manoir .. mais ne réussi pas à bouger d'un milimètre. Comme à chaque qu'il plongeait dans son regard, Cyan replongea dans son passé ... il était perdu dans un autre regard ... différent et pourtant si identique. Il sentait son parfum, la soie de ses cheveux dans ses mains ... la chaleur de son corps contre le sien .... Ses lèvres qui s'approchaient des siennes ...

Soudain le ciel s'assombrit dangeureusement, la lune disparue derrière d'épais nuages noirs et ils furent plongés dans le noir. Un frisson parcouru Cyan ...

Lorsqu'il vit les larmes inonder les yeux de CaNadre, Cyan sut qu'il avait encore une fois dépassé les limites, comme à chaque fois qu'il se sentait pris en défaut ou traqué ... Il était si rare de voir ce masque de sérénité se fissurer ... pourtant par 2 fois déjà il l'avait contrainte à se dévoiler ... Pourquoi te caches-tu comme celà ? Quels sont ces souvenirs si douleureux qu'ils te font te dissumuler aux yeux des autres ? Remplis de remords, Cyan allait s'approcher de CaNadre et s'excuser lorsqu'elle prit les devants, plantant ses yeux dans les siens et lui demandant alors :

- Qui est la fleur ?

La question, posée d'une voix douce, stoppa Cyan dans son élan ... Toujours son regard accroché au sien, CaNadre attendait visiblement une réponse ... Il savait qu'il ne pourrait y échapper sans la blesser encore une fois. Le tonnerre devenait de plus en plus proche et les éclairs commençaient à zébrer le ciel de plus en plus fréquemment .... Il voyait parfaitement le visage de CaNadre se détacher du fond sombre de la forêt derrière elle à chaque nouvel éclair ... Les premières gouttes de plus se mirent alors à tomber sur eux ... tout doucement puis le rythme s'accéléra et le crépitement des gouttes dans l'eau de la fontaine se fit de plus en plus bruyant ... Cyan se décida enfin à parler, son visage ruisselant :

- C'est une longue histoire ... peut être devrions-nous nous mettre à l'abri avant que je n'en commence le récit ...

Il lui tendit la main, et elle glissa le sienne au creux de ses doigts, se laissant guider ... Cyan avait repéré il y a quelques semaines de cela une petite batisse en pierre de l'autre côté de la rivière et décida de l'y emmener pour qu'ils puissent se mettre à l'abris de la pluie.

Il ne savait pas trop à quoi s'attendre, n'étant jamais rentré dans la petite maison et fut surpris de la découvrir bien équipée et bien entretenue malgré la poussière et les toiles d'araignées. Brièvement il se demanda à qui appartenait cette maison ... Peut être que CaNadre le savait ... Il faudra que je lui demande ...

Il s'apperçu alors qu'il tenait toujours sa main dans la sienne et la relacha subitement ... puis se perdit quelques instants dans ses pensées, avant de se tourner vers elle ...

- Tu voulais savoir qui est la fleur ? et bien je le voudrais aussi ....

Il vit de la perpexité dans les yeux de celle qui l'accompagnait ... Il tapota les coussins d'un confortable divan, s'installa et fit signe à CaNadre de le rejoindre ... Plongeant de nouveau son regard dans le sien, il commença à raconter l'histoire de la fleur ... et son esprit se mit à repartir en arrière, revenir au jour où il avait rencontré cette sorcière ....

Il pouvait revivre la scène comme si c'était hier ... Il était à la recherche de celle qui l'avait "transformé" lorsque son chemin croisa celui de cette femme ... Elle lui parla comme si elle le connaissait parfaitement, comme si elle savait tout de son passé .... et ses paroles restèrent à jamais gravées dans sa tête ...

- Cherches la rose, elle seule pourra t'aider à vaincre tes peurs et à affronter ton destin ... vous êtes liés, tu es l'eau dont elle a besoin pour survivre, elle est ton double ... Elle saura te guider vers le salut, elle t'épaulera et te fera affronter tes peurs ... en contre-partie, tu la protègeras d'une terrible menace qui plane sur elle ....

- Comment la reconnaitrais-je ?

- Elle est belle à couper le souffle, comme la plus belle rose d'une roseraie elle t'apparaitra ... mais méfie-toi, ses paroles pourront être aussi blessantes que les épines de la rose ... tu devras passer au-delà, mettre à genou ton orgueil pour l'approcher ...

- Comment-être sur que c'est elle ?

- Lorsque tu la rencontreras tu le sauras ... tu auras l'impression de la connaître, sans l'avoir jamais vue ... vous avez les mêmes blessures, les mêmes rancoeurs ... vous vous complétez ... toi le noir, elle le blanc .... C'est sensemble que vous trouverez les réponses à vos questions ...

Cyan ne savait que penser ... Il allait s'en aller lorsque la sorcières l'interpella ...
- Cyan, si jamais elle venait à mourir ... si tu ne pouvais la protéger ... une immense catastrophe pourrait arriver ... retrouve la et protège la ....

IL n'avait jamais recroisé la sorcière et ni trouvé la rose ... bien qu'il se demandait de plus en plus si finalement ce n'était pas déjà fait ... sans qu'il n'en ait eut réellement conscience ....

Il se tourna vers CaNadre qui était restée silencieuse .... et attendit ....

Cyan n'avait pas détaché son regard une seule seconde de celui de CaNadre, pendant tout son raisonnement .... Finalement elle ne s'était pas tant embrouillée que ça ...

Il avait encore du mal à tout analyser, tout digérer ... En quelques minutes elle avait pu faire la synthèse de tout ce qui lui trottait dans la tête depuis des mois, comme si elle avait intuitivement compris ce dont il avait besoin ... Comme à chaque fois .... et si .....

Jusqu'alors il n'avait jamais imaginé que ces 3 femmes pouvaient être liées ... Cette mission, pourquoi lui ? Que de questions sans réponses .... La Rose était le centre de tout ....

- Soit, sous un angle plus symbolique, la Rose est celle qui te permettra de te faire revenir à la vie, ou plus vraisemblablement à une certaine paix de l'âme, ce qui recoupe les paroles sybillines de la sorcière.

Il se rappela une légende grecque sur la Rose ... On disait que le déesse des fleurs, Chloris, voulant ressuciter Aphrodite, Déesse de l'amour, lui donna sa beauté. Dyonisos lui fit hommage de son parfum capiteux et que les 3 Grâces de la mythologie lui offrirent respectivement le charme, l'éclat et la joie. Mais c'est Apollon qui, en dardant ses rayons d'or, fit éclore cette nouvelle fleur. Dédiée à Aphrodite, la rose fut considérée comme la fleur de l'amour, capable de vaincre la mort et de faire renaitre la vie ... faire renaitre la vie ....

Il secoua la tête, perdant pendant quelques instants le lien avec la réalité ... Il se réinstalla dans le canapé et consenti enfin à parler, voyant que CaNadre attendait des réponses.

- Et cette rose ? Est-ce la première fois que tu la rencontres ? Ou l'as-tu déjà trouvée sur ton passage ? Soit elle est un appât agitée devant ton nez pour t'inciter à poursuivre ta recherche et te rappeler le but de ta mission, soit elle signifie que tu touches à ton but et que tu approches enfin de la Rose. L'une des deux hypothèses peut être à la rigueur vérifiée simplement : il suffit que tu me dises si tu collectionnes les fleurs ou non.

- Non je ne collectionne pas les roses ... Malgré ce que tu as l'air de penser .... Si bien entendu par rose tu entends femme ... Quant à la Rose, je ne pense pas l'avoir déjà rencontrée ... sinon pourquoi la chercherais-je encore ?

Il pencha la tête en arrière et ferma les yeux ... Il se disait qu'effectivement il devrait aller faire un tour dans les archives, bien qu'il n'avait jamais vu aucun blbliothèque dans le Manoir ... Etrange d'ailleurs ...

- Tu as parlé des archives mais je n'ai pas le souvenir d'avoir vu une bibliothèque dans le Manoir .....

Le tonnerre se faisait de nouveau entendre ... La pluie continuait de tomber dehors, comme si les éléments avaient voulu se déchainer ce soir ... Comme si ce dont ils parlaient ne devait être évoqué ... Un éclait illumina la pièce .... Le tonnerre frappa, faisant sursautter Canadre par sa violence ... Le vent faisait craquer les arbres autour de la maison ... Décidement, à chaque fois que nous sommes ensembles la nature se déchaine ... pensa Cyan ...

Il réflechit longuement à la dernière question de sa compagne ... Il n'avait jamais vraiment voulu se poser cette question, mais elle le mettait face à son destin .... et si .....

- Qu'est-ce qui t'a conduit jusqu'à nous, Cyan ? Je ne crois pas que tu nous l'ai déjà dit. Est-ce la rose qui t'a guidé ici ?

Il ne savait pas s'il devait lui répondre ou non ... lui dire la vérité ou non ... Peut-être qu'il s'était finalement trompé ... Peut-être était-ce une erreur ... Il respira doucement ... la regarda, rivant son regard au sien et lui dit dans un souffle ...

- C'est toi

Un éclair suivi immédiatement d'un violent coup de foudre vint ponctuer cette déclaration. C'est toi. Le monde sembla disparaître autour de CaNadre, les bruits s'estomper. Elle ne voyait plus que les yeux noirs de Cyan rivés dans les siens, pendant que ses paroles résonnaient - non, carillonnaient violemment, sonnaient le glas, même - à ses oreilles. C'est toi.Désorientée, elle se leva brusquement, refusant de comprendre ce que cela signifiait, ce que cela impliquait pour elle.

Elle fit les cent pas dans la pièce minuscule, les bras frileusement serrés autour de sa poitrine. C'est toi. Elle s'arrêta à la fenêtre, lança un regard désespéré au Manoir qui se profilait, loin, derrière l'épais rideau de pluie. Elle regarda la chandelle, le plafond, le tapis, sans se parvenir à calmer cette angoisse inexplicable qui se saisissait d'elle. C'était plus fort, bien plus fort qu'elle. C'est toi. Elle se résolut enfin à faire face à Cyan, et à le regarder. Elle tremblait de tous ses membres, et d'une voix peu assurée :

- Je ne comprends pas. Je ne comprends pas... Je... Pour... pourquoi moi, alors que je ne te connais pas, que je ne t'avais jamais vu auparavant, ni même entendu parlé de toi ? Je...

Les mots sortaient avec difficulté, tandis qu'il lui semblait que son cerveau ralentissait et tentait de l'amener vers une direction qu'elle refusait de prendre. Impuissante, elle se laissa tomber sur le sofa, là où elle discutait tranquillement avec le jeune homme quelques minutes auparavant. Elle leva vers lui un visage désemparé. Plus que tout, c'est ne pas comprendre qui la perturbait le plus : ne pas comprendre pourquoi tout à coup elle était terrorisée par cette éventualité qui pourtant, elle ne pouvait se le cacher, lui avait traversé l'esprit. Tout collait, tout collait trop bien, même. Depuis le moment où elle avait accepté sans hésitation aucune cette recrue jusqu'à celui où elle s'était retrouvé dans ce jardin, plusieurs heures plus tôt, une cape jetée sur ses épaules. Un magnétisme, une attirance qu'elle ne saurait expliquer. Mais de là à transcender le temps et l'espace ?

Une fenêtre s'ouvrit alors dans son esprit. Une fleur plutôt. Une rose... Qui s'épanouit brusquement, ouvrant largement ses pétales de nacre, laissant échapper un parfum suave. Un parfum, une idée, une certitude. Tout était écrit depuis longtemps. Elle le savait en fait depuis le moment où Cyan lui avait raconté son histoire, mais elle ne pouvait tout simplement pas admettre la réalité. Elle aurait pourtant dû reconnaître l'appel que son instinct lui avait soufflé le jour où elle l'avait fait entrer parmi les siens. Comme une âme sœur. Une voix se fit entendre dans sa tête. Familière, elle parlait sans mot, faisant éclater les idées comme des bulles de savon. Elle revit sa vie, celle qu'elle connaissait de Cyan, et vit les nœuds qu'elles formaient quand elles étaient amenées à se croiser. Soudain, elle sut.

Ses tremblements s'apaisèrent progressivement. Peu à peu, elle acceptait - se résignait ? La Fortune parvient toujours à ses fins, et nul ne peut y échapper, surtout quand les preuves sont aussi évidentes. Trop de coïncidences, trop de bizarreries. Sa présence me rassure, elle l'a toujours fait, finalement... La jeune femme parvint même à offrir au vampire un sourire pâle. Elle tendit le bras, et glissa sa main dans la sienne. Un peu de réconfort.

- Pardonne-moi. C'est... difficile. Je crois... je crois que je m'en doutais, ou que je le savais depuis le début. C'est pour cela qu'il existe cette sorte d'attirance entre nous. Nous sommes liés, sans que je parvienne encore à en comprendre encore les limites. Mais... finalement, tu m'annonces quelque chose que je ne démêle que partiellement. Trouver la Rose était ta raison de vivre, et si tu as fini par la trouver... en moi... alors... tu as réussi une partie de ta mission.

Sa gorge se serra quand elle prononça ces derniers mots, en serrant inconsciemment la main de Cyan entre ses doigts. Le sol parut à nouveau se dérober sous elle.

- Et moi ? Qu'est-ce... que... je dois faire ?

Au moment où il avait dit ces mots .... c'est toi ... Cyan avait lu dans le regard de CaNadre qu'elle venait de comprendre .... Il avait vu sa détresse .... Elle qui normalement portait ce masque d'impassibilité ... Elle tremblait ... traversant la pièce de long en large .... Pas plus que lui elle ne comprennait pourquoi eux ... oui pourquoi nous ? qu'avons nous fait pour ça ?

Pourquoi lorsqu'il avait entendu parler des Shields et de leur charismatique chef, il s'était senti obligé de rejoindre ce clan ? Pourquoi lorsqu'il l'avait vu pour la 1ere fois, lors de son interrogatoire dans le vieux salon, il s'était senti comme aimanté par son regard ? ... Pourquoi avait-il eu cette impression si vive de déjà la connaître ? Il avait eu beau réfléchir depuis son arrivée dans le clan mais il n'arrivait pas à trouver un point commun dans leur passé ... enfin dans ce qu'elle lui avait laissé découvrir de son passé .... Pourtant ce besoin d'être prés d'elle ... combien des fois il avait lutté pour y échapper ....

Lorsque CaNadre revint s'installer près de lui, il senti que quelque chose avait changé ... Il lisait dans son regard la résignation ... Comme si finalement son destin l'avait rattrapée et qu'elle ne cherchait plus à lutter ... Elle tendit le bras et vint glisser sa main dans la sienne ... Il senti une sorte d'énergie passer entre leurs mains ... Elle parlait avec une voix mal assurée, elle cherchait ses mots ... Elle essayait de raisonner au fur et à mesure de ces paroles .... Ainsi toi aussi tu as senti cette "attirance", ce lien ....

Pour la première fois depuis de longues minutes, Cyan pris enfin la parole ...

- Jusque la je ne savais pas que j'avais achevé le début de ma mission, je n'étais pas sûr que tu sois celle que je recherchais, même si je le sentais au plus profond de moi ...

Il ressera ses doigts sur la main de CaNadre ... Il sentait toujours ce "courant", ce "flux" étrange passer entre eux ... Leurs regards ne se quittaient pas ... et Cyan vit les yeux de CaNadre se remplir de larmes lorsqu'elle dit :

- Et moi ? Qu'est-ce... que... je dois faire ?

Il était pleinement conscient de ce que ses paroles avait déclenché dans l'esprit de cette dernière .. Si elle était la Rose, c'est elle qui était en danger .... qui risquait de perdre la vie ... Il imaginait que la stabilité qu'elle avait pu connaitre jusque la était maintenant remise en question .... Il vit ses épaules s'affaisser .... comme si elle se résignait ...

Tout en conservant sa main dans la sienne, il se leva pour se rapprocher de CaNadre et vint s'asseoir tout prés d'elle. Il passa son bras autour de ses épaules pour tenter de la réconforter. Il ne savait que dire, il avait envie de s'excuser de l'avoir entrainée la dedans .... il cherchait les mots pour la rassurer mais les mots le fuyaient ... Il repensa à tout son parcours depuis sa rencontrer avec la sorcière ... et maintenant qu'il l'avait enfin trouvée, il ne svait que faire ...

- Je ne sais pas ce que tu dois faire ... je n'ai pas toutes les réponses, loin de la ... mais nous allons continuer ce chemin ensembles, n'oublies pas que je suis la pour te protéger ... et je le ferais au péril de ma non-vie ... Tu es mon destin, mon âme soeur, la finalité de ce long parcours d'errance à travers les temps ... Maintenant que je t'ai trouvé, je ne vais pas te laisser t'envoler ... et personne ne viendra te faire de mal ...

Il ressera son bras autour des épaules de CaNadre, la berçant doucement pour calmer ses craintes .... Il ne savait pas comment avancer ... comment trouver les réponses ... et puis il ne lui avait encore pas tout dit .... sur la fin de la prophétie .....

Blottie dans les bras de Cyan, CaNadre se laissa aller doucement. Elle respirait profondément, singulièrement calmée. Apaisée. Elle sentit ses muscles se détendre, et elle se serra inconsciemment un peu plus contre le jeune homme. Posant sa tête sur son épaule, elle regarda en direction de la fenêtre : la pluie avait cessée aussi subitement qu'elle avait commencé, et un rayon de lune, étincelant après cette profonde obscurité, déchira les lourds nuages et vint illuminer le jardin détrempé.

A l'intérieur de leur abri, le silence était revenu. La chandelle au parfum de miel finissait lentement de brûler et répandait dans les airs un mince filet de fumée blanche qui dessinait des arabesques avant de s'évanouir en atteignant le plafond. La vampire demeurait sans bouger, doucement bercée par son compagnon d'infortune, savourant sans un mot une paix qu'elle savait éphémère. Elle profita de ce moment de répit pour réfléchir.

Sa vie venait d'être bouleversée une seconde fois, et Cyan était l'élément déclencheur de ce désordre. Mais, loin de le haïr pour le rôle qu'il venait de jouer, elle se sentait heureuse de l'avoir à ses côtés. Il était son Gardien, il l'aiderait à affronter son destin, il lui avait promis... Elle savait que le danger rôdait toujours derrière la porte du gîte, mais la présence de son ami la rassurait : elle n'était pas seule, et elle était prête à affronter tous les périls qui se dresseraient sur sa route. Elle sourit à cette pensée.

Et sans qu'elle le voulut vraiment, sa langue se délia, et elle parla, parla un long moment, comme si le flot de parole qui s'échappait de ses lèvres pouvait conjurer le mauvais sort.
Elle raconta sa venue chez les Shields, la longue et solitaire errance qui avait mené ses pas jusqu'au pied du Manoir ; la haute silhouette de Cirfain, l'accueillant du haut des remparts et l'invitant à entrer ; la salle de recrutement où elle était passée comme tous les autres, où elle avait plu à ceux qui étaient devenus ses frères ; son bonheur une fois admise et la reconnaissance éternelle qu'elle avait à leur égard.
Elle raconta sa vie d'avant, celle dont elle n'avait jamais parlé à personne, celle dont elle avait été privée ; ses longues marches dans les campagnes de Bretagne, quand elle respirait à plein nez l'odeur agréable de l'herbe fauchée ; les visages réjouis de ceux qu'elle distrayait en pinçant les cordes de sa harpe ; la satisfaction d'une vie de bohème, vécue au jour le jour, sous le timide soleil de l'ouest.

Ses propos finirent par se tarir alors qu'elle s'abîmait dans des souvenirs empreints d'une douceur nostalgique. Mais une inquiétude sourde l'envahit peu à peu et la fit sortir de son silence.

- Ils ne sont pas en sécurité près de moi. Bien sûr, je sais que c'est ridicule, jusqu'ici il ne s'est rien passé. Mais si je reste, je les mets sciemment en danger, alors qu'avant, je ne le savais pas, tu comprends ? Je ne peux pas rester près d'eux, plus maintenant, je ne veux pas qu'il leur arrive malheur par ma faute.

Elle se redressa et regarda Cyan droit dans les yeux.
- Je vais partir, loin d'ici, là où ils ne pourront rien souffrir à cause de moi. Son regard se fit plus lointain. Je vais repartir sur les routes, comme avant, avec mon balluchon et mon instrument ; personne ne saura où je serai, personne ne courra de risques pour moi. Chaque jour sous un ciel nouveau, un nouveau paysage devant moi. Je pourrais marcher jusqu'à Brocéliande, la magie de la forêt pourrait peut-être me protéger... Elle replongea ses yeux dans ceux de Cyan et lui lança un regard implorant. Viens avec moi, s'il te plaît, nous pourrons reconstruire quelque chose ailleurs, là d'où nous venons...

Elle baissa les yeux et se tut quelques instants. Son visage redevint serein et un léger sourire plissa même ses lèvres. Elle se leva et s'approcha de la fenêtre, les bras serrés autour de sa taille. Tandis qu'elle observait l'extérieur, ses traits se figèrent à nouveau.

- Ils vont tous tellement me manquer, souffla-t-elle en ravalant ses sanglots. Ainsi, la douleur, cette vieille compagne, est revenu, alors que je pensais l'avoir bannie de ma vie... Et bien, bienvenue à toi ! C'est mon devoir, je sais ce que je fais et je sais que je vais une fois de plus en souffrir, mais je leur dois cela. Et après tout, j'ai toujours été nomade...

Après un dernier regard sur le jardin, elle se retourna vers Cyan, un doute à l'esprit.
- M'as-tu tout dit ? La sorcière n'a rien ajouté d'autre, pas de détails ?

Cyan n'osa pas l'interrompre lorsqu'elle se mit à parler ... comme si parler lui permettait de ne pas penser à la suite, d'occulter la réalité du moment ... Elle qui parlait si peu de son passé, de ses craintes fut intarissable ... Il la découvrait telle qu'il ne l'avait jamais perçue ...

- Ils ne sont pas en sécurité près de moi. Bien sûr, je sais que c'est ridicule, jusqu'ici il ne s'est rien passé. Mais si je reste, je les mets sciemment en danger, alors qu'avant, je ne le savais pas, tu comprends ? Je ne peux pas rester près d'eux, plus maintenant, je ne veux pas qu'il leur arrive malheur par ma faute.

Il savait trés bien ce qu'elle voulait dire, il l'avait vécu ... la responsabilité qu'il portait lui avait empeché jusque la de se poser ... et maintenant elle aussi devait subir cela ... Il s'en voulu ... A cause de lui elle devait quitter son clan, ses attaches, ses amis et frères ... Il détourna le regard ... Il se sentait responsable de ce qui leur arrivait ... Comment pourrait-elle ne pas lui en vouloir ?

- Viens avec moi, s'il te plaît, nous pourrons reconstruire quelque chose ailleurs, là d'où nous venons...

Il fut surpris par sa demande ... Il pensait qu'elle allait le fuir, fuir toute cette histoire ... Echapper, enfin tenter d'échapper à son destin ... Il avait tenté ... quitté son clan ... ceux qui étaient sa famille .... Pris une nouvelle identité ... Mais à chaque fois son destin l'avait rattrapé ... Pourrait-il l'aider ? certes pas l'empecher de souffrir, mais au moins la soutenir dans cette aventure ... ils étaient seuls maintenant ... enfin peut être pas ... il devait encore réfléchir à son idée mais ....

CaNadre se tourna vers la fenêtre ... Elle était décidée à quitter son clan, sa famille pour ne pas les mettre en danger ... Quelle vie les attendait maintenant ... Ils ne pourraient compte que l'un sur l'autre ... Personne ne devait savoir et surtout personne du clan ne devait connaitre la réelle motivation qui poussait CaNadre à partir ...

Il vit ses yeux se remplir de larmes lorsqu'elle évoqua son clan .... Il savait combien elle leur était attachée et combien pour elle il serait dur de renoncer à tout cela. Il s'approchait d'elle lorsqu'elle lui demanda ...

- M'as-tu tout dis ? La sorcière n'a rien ajouté d'autre, pas de détails ?

Elle le regardait fixement ... Il s'arrêta en chemin, eut un instant d'hésitation ... comment puis-je lui dire la suite puisque moi-même je ne comprends pas le sens de la prédiction ? Comment lui parler de cet enfant qui doit nous montrera le chemin et réunira nos destinées ? quand le rencontrerons-nous ? Quel est le sang qui une fois versé nous donnera la réponse ? Quel est ce lieu si dangereux que le mondre faux-pas nous coutera la vie ? Quel est ce personnage qui tentera de semer la discorde entre nous ? ... Cyan le savait, trop de questions ... Elle avait déjà tant à encaisser en cette unique soirée, qu'il ne préférait pas lui parler de tout ça pour le moment.

Il s'approcha d'elle, et plongea son regard dans le sien :

- Je sais que cette décision que tu as prises te coute ... Sache que je serais à tes côtés à chaque instant. Puisque mon destin est de te protéger, je ferais en sorte d'être la ... que ce soit dans le danger, la peur, la mélancolie, la tristesse ... Je serais le bras armé pour te proteger, l'épaule sur laquelle pleurer, l'ami sur qui t'appuyer ...

Cyan s'installa sur le rebord de la fenêtre et contempla un instant le jardin ... que cet endroit va me manquer ... Il repensa au clan ... Depuis le départ de Muad le clan avait perdu son entrain .... j'espère qu'il survivre au départ de CaNadre ...

Il sentait qu'elle attendait la réponse à sa derniere question, aussi se tourna-t-il vers ellle et lui dit :

- Rien que tu ne doives savoir pour le moment et il lui fit un clin d'oeil ... comment et quand vas-tu annoncer ton départ ? quand veux-tu que nous partions et où ?

Lapluie avait cessée, un besoin de prendre l'air, de respirer les senteurs boisées de la forêt, de sentir l'odeur de la pluie sur la terre décida Cyan à sortir du refuge ... il ouvrit la porte et se retourna pour tendre la main à CaNadre ...

- Viens-tu prendre l'air et parcourir une dernière fois ce jardin ?

Avec un regard pensif, elle se saisit de sa main tendue et se retourna pour souffler la chandelle. Ils sortirent alors de l'abri qui avait été leur refuge, refermant sans bruit la porte de bois sur un dernier nuage de fumée grise se diluant dans la pièce et répandant une ultime bouffée de miel.

Ils s'avancèrent dans le jardin détrempé par l'orage. Au dessus de leur tête, la lune reine luisait doucement entre les nuages qui s'évanouissaient rapidement ; un parfum d'herbe humide embaumait le parc constellé de perles étincelantes. Un rossignol solitaire entama pour eux seuls une chanson d'adieu, ses trilles claires contrastant vivement avec le fracas de la tempête qu'ils venaient d'essuyer.

A ce chant, les nuages semblèrent fondre, et les étoiles apparurent, plus lumineuses que jamais. La Voie lactée resplendissait entre ces joyaux dans un ciel d'une pureté incomparable, comme lavé par l'onde. CaNadre leva la tête et son regard se perdit dans la noirceur du dais brodé de diamants qui la recouvrait. Elle ne put s'empêcher de sourire devant la beauté de ce décor majestueux.

En arrière-plan, le Manoir piqueté de lumières faisait briller les gouttes de pluie suspendues aux brins d'herbe. L'ombre des grands arbres qui se balançaient tranquillement sous l'action du vent apaisé venait le masquer par moment aux regards. Le sifflement lointain de roseaux venait doubler l'hymne du rossignol. La nuit était tout simplement magnifique.

Ils suivirent pendant quelques instants un sentier sinueux sans dire un mot, sans troubler ce calme bienvenu, main dans la main. Bercée par ce silence, CaNadre songeait à tout ce qu'elle avait vécu dans cette enceinte - des événements les plus lointains aux plus récents. La nuit vient à peine de commencer, mais elle a été si bouleversante en si peu de temps... Une excitation sourde avoisinait une crainte constante : maintenant qu'elle s'était faite à l'idée de partir, elle avait réellement envie de partir, de retourner sur les routes et de changer de vie. D'être libre...

- Le temps de faire mes bagages, et nous pourrons partir. Son murmure n'avait pas troublé l'atmosphère. Demain, je réunirai l'ensemble des Shields et leur annoncerait mon départ. Je laisserai les rênes à Katana, il sera un bon dirigeant, je pense, et tous l'apprécient énormément ; le clan sera entre de bonnes mains. Nous prendrons la route aussitôt, je ne souhaite pas prolonger inutilement les adieux.

Quant à notre destination, je ne sais pas encore, mais ce sera loin des Shields, pour les protéger. Nous aurons plusieurs solutions : soit nous voyageons d'un clan à l'autre, comme des mercenaires, pour trouver une protection provisoire ; soit nous restons seuls tous les deux - mais je ne supporterai pas d'être seule ; soit nous trouvons un autre clan qui puisse nous héberger, mais qui ne devra pas savoir les raisons exactes de notre venue. Nous avons le choix... Je ne suis pas encore décidée, mais si tu as une suggestion à me faire, je prends... Et puis, le monde est vaste...

Elle se retourna alors vers Cyan et le regarda ; cette seule nuit semblait l'avoir plus éprouvé que des nuits de guerre et de sièges. Elle lui sourit et écarta une mèche de ses cheveux.

- Je te suis sincèrement reconnaissante. Je sais que ce départ est un sacrifice pour toi aussi : tu vas devoir repartir sur les routes, alors que tu venais enfin de trouver un havre après un long vagabondage. Je sais que nous ne sommes pas responsables de ce qui nous arrive, mais quand même... Je te remercie d'être là.

Elle se tut, soudainement gênée, puis reprit d'une voix mal assurée :

- Bon, je crois que je vais aller préparer mes affaires...

Elle jeta un dernier regard sur le jardin endormi, comme pour le graver à jamais dans sa mémoire : elle voulait emporter avec elle le souvenir magique de cette nuit exceptionnelle. Puis elle s'écarta de son compagnon ; elle plongea ses yeux dans les siens, serra sa main dans la sienne avant de la lâcher.

- Bonne nuit Cyan, souffla-t-elle doucement.

Elle lui sourit et s'éloigna dans la nuit en direction du Manoir, ses pas faisant crisser furtivement le gravier.

Cyan la regarda s'éloigner, frêle silhouette dans cette nuit si particulière ... Quelques heures qui lui avaient semblé durer des mois .... La 1ere étape de son chemin se terminait ici ... Il décida de ne pas rentrer tout de suite au Manoir .... Il marcha encore, se fondant dans la nuit, se remémorant les bons moments passés ici ... L'ombre de Muad planait encore sur le Manoir ... Le vent soufflait doucement dans les arbres, faisant bruisser leurs feuilles, comme un murmure qui souhait bonne route à Cyan ...

CaNadre avait décidé de réunir le clan demain pour leur annoncer son départ ... Il ne ferait pas ça ... Cyan n'aimait pas les adieux .... Il décida qu'il allait rentrer, prendre son sac, et partir ... Il laisserait un mot à CaNadre sur son itinéraire et où ils se rejoindraient ... Il sentait qu'elle avait besoin d'être seul avec eux ...

Il se retourna une dernière fois vers le jardin .... et pris le chemin du Manoir ...

A cette heure, il était d'un calme impressionnant pour qui ne le connaissait pas ... Lorsqu'il ouvrit la porte, il repensa à la 1ere fois où il l'avait franchit .... Tant de temps à passer depuis ....
Il senti le bois contre sa paume .... et la repoussa ... Il entra dans le Manoir et se dirigea vers sa chambre ... Les couloirs étaient sombres et silencieux ... Il sorti son sac du placard, le rempli de quelques vêtements, son livre, et une bague qu'il glissa bien au fond ... objet du passé dont il ne connaissait toujours pas la provenance .... Il s'installa au bureau et écrit un mot à CaNadre, et un autre aux Shields ... il laisserait ce dernier sur la grande table ....

Il se leva, pris ses affaires et referma doucement la porte .... Une page se tournait et un nouveau chapitre allait s'écrire ....

Il traversa l'aile des chambres et se retrouva dans celle réservée aux chef de clan. La porte de CaNadre était fermée et aucune lumière ne filtrait de sous la porte ... Il hésita ... puis entra doucement dans la chambre plongée dans le noir ... Il pouvait entendre la respiration régulière de CaNadre ... Son visage semblait serein malgré tout ce qu'elle avait appris cette nuit-là ... Il s'approcha et déposa le mot sur la table de nuit et il s'éclipsa, ne voulant pas prendre le risque de la réveiller ....

Il retraversa les couloirs, déposa son mot sur la grande table et sorti ... en franchissant la porte, il savait qu'une page venait de se tourner ....

Il se retourna une dernière fois, pour voir le Manoir disparaitre derrière le virage .... Cyan respira un grand coup et parti .... A trés vite CaNadre ....

Le lendemain, CaNadre, seule dans ses appartements du Manoir Shield, se réveillait. Sa journée de sommeil avait été troublée de rêves sans queue ni tête, dans lesquels une vieille femme aux traits atrocement déformés lui annonçait la mort des siens avant de se changer en rossignol et de s'envoler dans la nuit. Elle se redressa sur ses oreillers, sans avoir l'impression de s'être le moins du monde reposée. Son regard fit machinalement le tour de la pièce, et tomba sur un feuillet déposé à son chevet.

Elle reconnut aussitôt l'écriture déliée et fixa quelques instants la page sans mot dire. Il est entré ici, ne pouvait-elle s'empêcher de songer, à la fois troublée et déçue de ne pas l'avoir entendu pénétrer dans sa chambre. Elle regarda autour d'elle et imagina sans peine la scène : le jeune homme poussant la porte silencieusement pour ne pas la réveiller et déposant le message avant de repartir à pas de loup. Elle sourit à cette image et déplia la feuille. Le message était bref, ils avaient eu suffisamment à se dire la nuit précédente ; un point de rendez-vous, quelques recommandations.

La jeune femme fut aussitôt plongée dans le doute et le chagrin. Elle devait partir, cette nuit, mais surtout, elle devait l'annoncer aux Shields. Le sentiment de trahir les siens la tenailla à nouveau, sans qu'elle puisse s'en défaire, et elle eut envie à la fois de n'avoir jamais entendu parler de la Prophétie et que tout soit terminé. Si seulement se fourrer la tête sous sa couverture pouvait y changer quelque chose... Mais le souvenir de sa discussion avec Cyan s'imposa à elle, et elle reprit confiance. Elle n'était pas seule, après tout.

Elle se leva résolument, revêtit sa robe argent et s'installa devant sa coiffeuse. Tout en démêlant sa longue chevelure brune, elle réfléchit au discours qu'il lui faudrait prononcer devant l'ensemble des Shields. Le plus simple serait le mieux, mais je ne peux tout leur dire... Partir sans fournir d'explication plausible l'attristait, mais elle ne pouvait faire autrement. Elle confierait les rênes à Katana, et quitterait les Shields en alléguant une raison quelconque. Non, je ne peux pas faire cela. Je leur dirai que je dois partir, pour une raison qu'ils ne peuvent connaître, mais que je n'ai pas le choix ; au moins, je serai honnête, même s'ils ne me comprennent pas.

Ainsi décidée, elle reposa sa brosse, jeta un dernier coup d'oeil dans le miroir, se leva et sortit de la chambre. Sur le chemin de la grande salle, elle croisa un domestique.

- Va réunir les Shields dans la grande salle pour minuit.
- Bien, Madame, répondit l'homme avant de disparaître dans un couloir.

Elle reprit sa route, regardant fixement chaque dalle, chaque mur, pour les graver en sa mémoire et en garder un souvenir quand elle ne serait plus là ; le Manoir lui aussi allait lui manquer. Elle passa devant de nombreuses pièces et chambres, toutes familières, qui toutes lui rappelait quelque chose de précis. Il en alla ainsi jusqu'à ce qu'elle se fût installée dans la grande salle commune, lovée dans un vaste fauteuil de cuir placé près d'une fenêtre, d'où elle pouvait admirer la cité qui s'éveillait. Elle garda le silence tandis que les Shields pénétraient par groupes dans la pièce. Quand tous furent réunis, elle se leva et se tourna vers eux.

- Mes amis, j'ai quelques choses à vous dire...

Son allocution fut brève, et la plus précise qu'elle pût se permettre. L'incompréhension régnait majoritairement, mais les Shields respectèrent son choix et la laissèrent partir le coeur lourd. Quelques heures après son discours, CaNadre revenait dans sa chambre pour prendre son paquetage ; elle parcourut une dernière fois du regard ce qui avait été ses appartements privés pendant plus d'un an. Elle savait qu'il ne tiendrait qu'à elle de revenir de temps à autre, rendre visites à ses frères de sang, ses frères de chasse ; les lieux seraient toujours siens.

Elle n'emporterait avec elle qu'un maigre baluchon, la somme des affaires qu'elle avait amassées au cours des derniers mois. Une robe de rechange, éternel vêtement en mousseline grise, qu'elle aimait faire virevolter autour de ses jambes. Son pantalon de cuir noir et sa tunique de lin écru, qui avaient combattu tant de dragons. Ses balles, des chiffons pour graisser et nettoyer ses armes, quelques souvenirs plus personnels. C'était tout.

Les lourdes tentures rouge sombre dansaient au vent devant les grandes fenêtres béantes, comme pour lui dire un dernier adieu. Les larmes lui vinrent aux yeux, quand elle songea à tous les moments qu'elle avait passés à cette fenêtre, à rêvasser les yeux dans le vide, ou à travailler pour ses compagnons. Elle s'approcha des ouvertures, s'y pencha. De là elle voyait les jardins, où des fantômes familiers la saluaient d'un geste de la main. Elle pleura silencieusement, comme ses souvenirs lui revenaient à l'esprit.

Elle s'écarta enfin résolument de la fenêtre, se saisit de sa gibecière, embrassa la pièce d'un dernier regard, et sortit. La porte, pourtant si bien huilée, grinça sinistrement quand elle la referma derrière elle. Les Shields s'étaient réunis dans le corridor pour la voir passer une dernière fois. Elle aurait préféré éviter cette situation, mais en fut extrêmement touchée.

- A bientôt, mes frères, déclara-t-elle en souriant malgré les larmes qui perlaient au bord de ses paupières.

D'un pas ferme, elle franchir le portail et prit la route du nord, droit vers un avenir qu'elle ne connaissait pas. Vers Cyan.

- Me voilà, j'arrive.