Les voies du sang sont impénétrables...

Dans un léger grincement se ferme la lourde porte de bois composée, plongeant ainsi la salle dans un noir des plus parfait.

Un silence d'or s'installe. Main serrée sur la poignée, le vampire conserve une totale immobilité. Il écoute un instant dans les ténèbres, puis se met en marche.

Le vampire ne voit pas dans le noir, il sait simplement où il va et pourquoi. Il est le seul à être venu ici depuis des centaines d'années. Malgré ses certitudes, il prend son temps, marchant d'un pas léger mais assuré, s'enfonçant d'avantage dans les bas fonds de la cite Shield.

L'air est lourd, l'on sent qu'il n'a pas circulé en ces lieux depuis bien longtemps, et n'a jamais pu prendre l'habitude d'y circuler.
Les parois se resserrent vers le vampire, l'entrainant dans un goulot de plus en plus étroit. Rapidement, il sent ses vêtements frotter régulièrement contre les murs, lesquels laissent petit à petit apparaître des veinures d'un rouge d'abord sombre, mêlé au noir, puis de moins en moins sombre pour aller jusqu'au presque vif...

Les veinures semblent dégager leur propre lumière, mais n'en diffusent aucune. Le vampire évolue toujours dans le noir total, simplement, son chemin lui est alors tracé par les veinures de rouge teintées. Son pas s'accélère.

Insidieusement, un bruit des plus léger s'installe dans ce qui est désormais un tunnel. Le vampire ne l'entend pas, pourtant il se fait plus présent à chaque nouveau pas. Les veinures sont de plus en plus nombreuses à orner les parois noires du passage. Nombreuses et rouges, rouges comme le sang fraichement versé de milliers de vierges...

Doucement, le vampire lève une main qu'il vient déposer sur le mur à sa droite. Il suit du bout du doigt une veinure, en ressent un léger picotement, si agréable que l'on imagine facilement que l'addiction à cette sensation soit un risque. Ou qu'il en soit déjà victime.

Il plaque maintenant sa paume entière sur la paroi, sans cesser d'avancer, toujours aussi sûrement.

Après encore plusieurs dizaines de mètres parcourus, et tandis que le chemin s'était mué en douce pente puis remis à l'horizontal, que le vampire n'avait pas cessé ses caresses sur les veinures rouges, il finit par atteindre une porte. S'arrêtant net, sa main ne quitte toujours pas le mur, il observe la porte éclairée par deux petites chandelles qui ne déversent aucune cire et ne semblent jamais se consumer, ou plutôt, se consumer à l'infini. Elles n'étaient pas allumées avant que le vampire ne soit assez près pour voir la porte, mais maintenant elles le sont, et ce changement s'était réalisé sans que personne ne puisse dire quand ni comment.

C'était une simple porte, comme si l'on passait du couloir à la chambre à coucher. Ni veinure ni ornement ni écriture ou signe ne vient perturber la dureté des planches de bois qui la forme.

Là encore, la lumière semble éclairer seulement ce qu'elle souhaite, et c'est ainsi que le vampire demeure dans l'ombre malgré leur proximité. Sa main se crispe légèrement et entame un lent mouvement de balancement pour venir se poser sur la ronde poignée de la porte.

Dans un cliquetis, fausse note au milieu du bruit d'écoulement que le vampire n'a pas perçu, le loquet tourne...


[hrp]La suite bientôt chers téléspectateurs...[/hrp]

Nouveau grincement...

L'air, pourtant lourd, est happé par la porte qui s'entrouvre. Alors, le vampire aperçoit les contours de la salle, faite de la même pierre parfaitement noire que le tunnel dont il est en train de sortir.

Les veinures courent sur les parois et le sol. La pièce, circulaire et très haute de plafond, est centrée sur une étrange fontaine de laquelle dégouline un liquide dense et rouge.

Des miroirs sont disposés un peu partout dans la pièce. Ils reflètent une lumière dont la source est indéfinissable. La pièce semble pourtant parfaitement close. Le vampire ne s'y intéresse pas. Son regard est braqué sur la fontaine...

Avançant de quelques pas, il sort alors de l'ombre pour se dévoiler dans la lumière énigmatique de la pièce. Vêtu de blanc, de longs cheveux noirs comme la pierre de la salle courant sur ses épaules, Lathandre plisse légèrement les yeux sans les détourner, puis se détend.

Derrière lui la porte se referme doucement, toujours accompagnée par le bruit incessant d'écoulement produit par la fontaine.

Le visage de Lathandre se fend d'un léger rictus indéchiffrable... C'est un nouveau visage, ou plutôt très rare qu'il n'affiche jamais ailleurs qu'ici... Un visage perverti.

Ses pas l'emmènent à faire le tour de la fontaine. Elle n'est pas du tout ouvragée, c'est une simple arrivée de canalisation qui n'a rien d'autre de sacré que le liquide qui y arrive et s'en déverse dans le réceptacle circulaire et jusqu'au sol.

Au pied du monument, les veinures sont légèrement plus grosses, de la taille du pouce en terme de diamètre. Elles courent aléatoirement sur le sol, puis se décomposent en d'autres veinures, et ainsi tout le long de la surface noire.

La main du vampire se lève et vient effleurer le flot qui jaillit doucement du cylindre noir. Son sourire s'élargit mais conserve son aspect exceptionnel. En réalité, c'est son regard qui diffère de ses sourires habituels...

Les doigts, à peine en contact avec le sang, il lève le regard vers les murs qui montent très haut, ils parcourt les veinures du regard.

Les veines pulsent... Comme si un cœur propulsait le sang qui les compose... Un bruit sourd se fait entendre. Non ! Il n'y a que lui qui l'entend, c'est son cœur...

Un autre battement. Et encore un autre.

Son visage se crispe, il ne sourit plus. Ses deux mains sont désormais plongées dans la fontaine, baignées du sang qui s'en échappe. Il n'a rien ordonné, pourtant.

Tremblements... Il en est parcourut. Puis tout s'arrête subitement, et il s'effondre, cède aux ténèbres qui l'envahissent. Des ténèbres aux veinures rouges de son sang...

[hrp]To be continued...[/hrp]

! BOUM !

L'obus éclate à quelques mètres de l'homme, faisant sauter terre et pierre, bras et jambes de camarades de tentes. Trop tard...

! BOUM ! BOUM !

Il en pleut, partout. La terre tremble, lui aussi, tout, tout le monde.

Le ciel nocturne, couvert et sombre, s'éclaire par intermitence au rythme des canons.

Dans un futur d'une centaine d'année, dans une profonde salle, le même homme, un peu plus pale, tremble tout autant que la terre où il est né pour la seconde fois jadis...